Voué aux prestiges de la chambre noire, le parcours de Roger Parry (1905-1977), en apparence farfelu, témoigne dès 1928 de ses prédispositions à explorer les relations entre mise en image et mise (…)
Roger Parry (Paris,1905 - Cognac, 1977) a suivi une formation artistique, axée en particulier sur le graphisme et la décoration. Il découvre les potentialités de la photographie en 1928 au contact de Maurice Tabard. De retour d’un long séjour aux États-Unis, ce professionnel confirmé, proche de la mouvance surréaliste, est alors l’un des représentants, en France, de la Nouvelle Vision qui privilégie la spécificité du langage photographique. Dans une période où le décloisonnement des pratiques et des techniques artistiques se généralise, nombreux sont les artistes qui identifient la photographie avec la modernité. Parry s’enthousiasme pour les expérimentations qu’il développe avec Tabard et, en 1929, lorsque celui-ci prend la direction du studio Deberny Peignot, spécialisé dans la publicité de luxe, il devient son assistant. Tous deux travaillent en commun et signent indifféremment leurs compositions, multipliant les mises en scènes, exploitant les jeux de lumière, les points de vue, les surimpressions et les tirages négatifs.
à€ partir de 1931, Parry est chargé de la promotion de romans publiés à la NRF (Nouvelle Revue française). Pour les vitrines des libraires, et pour les encarts publicitaires publiés dans la presse, il monte ses photographies sur des supports cartonnés et les accompagne des extraits des textes qu’elles illustrent. Durant l’entre-deux-guerres, la NRF commande également à Parry plus de 200 couvertures pour des collections populaires. Il réalise alors des mises en scène avec sa femme Madeleine, ses amis ou lui-même, puis procède à des manipulations, retouches et colorisations. Mais la véritable entrée de Parry dans le domaine de l’édition s’était faite plus tôt avec Banalité, édition de luxe d’un texte poétique de Léon-Paul Fargue, publiée en 1930 à l’initiative d’André Malraux, alors directeur artistique de la Librairie Gallimard. Seize compositions photographiques de Parry illustrent les deux versions proposées : 30 exemplaires avec tirages originaux et 300 avec héliogravures. Fabien Loris collabore aux cinq photogrammes que les deux amis intitulent "réogrammes", pour souligner le rôle des objets posés sur le papier sensible et dont les ombres portées composent l’image. Dans les autres planches, Parry reproduit également des objets du quotidien, mais il privilégie des méthodes anti-naturalistes, s’aidant de l’éclairage ou de la réversibilité du support photographique pour trouver des équivalences à l’onirisme du texte. Salué par la critique, Parry participe en 1932 à plusieurs expositions, dont "Surrealism" et "Modern European Photography", à la Julien Levy Gallery de New York, lieu important pour la diffusion de la photographie. Cette dernière expérience lui inspire une image en forme de rébus, où les titres d’un journal, "York", pour New York et "Paris" pour Parry, sous une vieille paire de chaussures, suscitent un nouveau jeu entre le texte et l’image.
Parry s’intéresse au banal, donnant une dimension énigmatique à de simples natures mortes, comme "l’étoile de mer et le massicot". En revanche les portraits, qu’il s’agisse d’amis ou d’écrivains photographiés à la demande de la Librairie Gallimard, jouent souvent avec les ressources propres au médium ã¢â‚¬â€ cadrage, superposition et surimpression ã¢â‚¬â€ , mais aussi avec l’usage très pictural de la solarisation perfectionnée par Maurice Tabard.