Du 1er au 29 avril 2007, à Bordeaux, « Itinéraires des photographes voyageurs » invite le public à découvrir dans les principaux lieux culturels de la ville, 15 expositions photographiques sur le thème du voyage. De la galerie Arrêt sur l’image au nord de la ville, aux grilles du Jardin Public en plein centre de la ville, cette 16ème édition du festival propose aux visiteurs d’effectuer leur propre itinéraire au fil des expositions, et de découvrir ainsi le travail de photographes professionnels confirmés ou issus de la nouvelle génération Toutes les expositions sont libres.
– Joan Bardeletti Xinjiang, la Chine réinventée (Espace Saint Rémi)
Après le Tibet en 2005, les autorités chinoises organisent en janvier 2006 une campagne d’information en invitant des photographes étrangers à photographier la province autonome du Xinjiang à l’extrême ouest du pays. J’ai répondu à l’invitation et parcouru le Xinjiang pendant 3 semaines. Ce voyage, présenté comme une résidence photographique et mis en place par le Ministère de l’Information via l’agence de photographie nationale (CPA), fut à l’image de la politique chinoise au Xinjiang : minutieusement planifié et très encadré. Ce travail est une image d’un lieu en pleine mutation. Un lieu qui n’est plus vraiment (ouigour) et n’est pas encore tout à fait (chinois). Plus désert mais pas surpeuplé, plus indépendant mais pas vraiment autonome... Un lieu trouble au coeur de l’hiver donc mais dont le gouvernement souhaiterait projeter une image nette, positive. Certaines images ont été faites sous contrôle. D’autres, plus libres, sont le fruit d’escapades non autorisées. Certaines sont légendées, d’autres, pas moins importantes, restent muettes. Ne pas les distinguer, les mêler vous plongera dans cette incertitude qui caractérise le Xinjiang et les ouigours, au présent, et encore bien plus au futur.
– Brigitte Bauer : Fragments d’identité (Arrêt sur l’image galerie)
Telle cette autre figure de dos, le Moine au bord de mer, de Caspar David Friedrich, le jeune homme d’Alexandrie se trouve face à une immensité. Non pas tant celle de la mer que peut-être il contemple, mais celle de la ville qui s’étale, qui ne cesse de grandir, qui envahit tout l’espace jusqu’à rendre très incertaine la frontière entre le bâti et le marin. Vus de dos, des couples regardent la ville, ou lui tournent le dos au contraire. Des couples, partout, assis sur des bancs de la corniche de bord de mer, assis sur les bancs des jardins publics, assis là oû ils peuvent. Penchés l’un vers l’autre, un peu ou à peine, ils se regardent, ou regardent la mer ou rien, tournant le dos au monde. Paradoxe apparent : le choix de l’espace public pour trouver une intimité que l’intimité familiale ne permet pas. Instants privés dans un espace qui est public. Mais la ville est présente, est partout, je l’aborde à travers le regard de ces couples, à la recherche moi aussi d’un peu de vide dans ce trop-plein. Besoin de recul pour arriver à voir la ville qui vous entoure, vous envahit. Ainsi se créent des résonances entre les couples, la ville et mon attitude envers les deux. Il y aurait encore beaucoup à dire, sans doute, sur le statut de la femme, sur la vie des jeunes en général et les rapports de famille en particulier, et finalement aussi sur une certaine solitude urbaine, à Alexandrie ou ailleurs, dans une autre très grande ville oû certaines attitudes privées, paradoxalement, n’ont pas d’autre lieu que l’espace public.
– Alexandra Baurès : Journal Km (Salle Capitulaire Cour Mably)
Nous réalisons plus d’un tiers de nos déplacements entre notre domicile et notre lieu de travail. Ce voyage quotidien et répétitif est sans doute le plus long voyage que nous entreprenons tous les ans, si nous faisons la somme des kilomètres parcourus jour après jour. Pour nous déplacer, nous utilisons massivement l’automobile. Notre perception de l’environnement en est modifiée : la vitesse transforme les paysages que nous traversons en un « road movie » ininterrompu. Je me suis intéressée à cette succession d’images qui se déroulent sur le trajet quotidien entre mon appartement et mon lieu de travail. J’ai observé les endroits que je traversais depuis des années sans voir, emprise de la routine : les non-lieux des zones industrielles, stations de service et voies rapides de tout type. J’ai fait attention aux avatars du climat, aux journées qui raccourcissent puis s’allongent, aux itinéraires entrecroisés avec d’autres personnes. Pendant plusieurs mois, j’ai élaboré un journal en image d’un trajet qui habituellement se mesure plus en minutes qu’en kilomètres.
– Laure Bertin : « Apnée » (Salle Capitulaire Cour Mably)
A l’origine de ces photographies, des heures de marche, en zone urbaine, pour débusquer ces lieux qui paraissent créés de toutes pièces. Il ne s’agit cependant pas d’images fabriquées ou retouchées. J’opère à la manière d’un reporter, au 24x36, me livrant au hasard de la déambulation et de la rencontre. J’ai mes terrains de prédilection, ils appartiennent au quotidien, à la banalité : centres commerciaux, musées, couloirs de métro, magasins, hall d’immeubles, façades, parkings de supermarchés. Je m’y tiens prête à accueillir la scène répondant à mes attentes : lissée, colorée, aseptisée, présentant des effets de décor ou une lumière théâtrale. Scène parfois habitée de personnages semblables à des figurants en attente d’un hypothétique rôle. Une image vidée de réel ou une image du réel vidée de vie. New York, Bratislava, Londres, Berlin, Riekjavik, Barcelone, Vienne, Lodz, Paris, Los Angeles, Budapest. Les villes se succèdent, elles ne livrent rien de ce qu’elles sont. Les lieux qui retiennent mon attention se retrouvent quelle que soit la ville traversée. Ils finissent par constituer un espace uniforme qui renvoie à mon imaginaire et deviennent dès lors un paysage mental.
– Marc Blanchet : Miroirs du double (Salle Capitulaire Cour Mably)
On ne décide pas des photos que l’on va prendre tout comme on ne décrète pas d’une expérience à vivre. On s’abandonne. Ce coeur en soi qui bat à un rythme variable est le seul moteur. Le seul filtre. émergé sous le visage d’un oeil, il veut capter l’essence d’une traversée, dans des paysages qui sont ceux là même de la confusion et de l’indiscernable. Que voit-il dans ces images sinon les miroirs d’un double ? Je ne puis montrer que cette procession, ces figures multiples, ces entrelacs de lumière et d’obscurité. Rien d’autre si ce n’est rendre grâce au monde d’être fait de voyages. De terres qui surprennent elles-mêmes les possibilités de l’infini. Qui les multiplient au-delà des nombres. L’autre devient parfois ce double qui change son visage de rencontre pour la présence d’une mémoire faite d’éternité. Miroir contre miroir, il impose une troublante ressemblance oû vient murmurer le vertige des coïncidences.
– Muriel Bordier : Paysages de voyages (Musée des Arts Décoratifs)
Les touristes se reconnaissent de loin aussi bien que des pyramides ou des Tours Eiffel. Ils sont typiques de leur état comme la paella l’est de l’Espagne. Ils sont donc photographiables autant que le Colisée de Rome ou la cathédrale de Chartres. Groupés entre eux parce qu’ils sont identiques, ils cherchent ce qui leur ressemble, à savoir les monuments, typiques, identifiables, marqués. Or, les monuments sont célèbres comme des stars de cinéma ou de chanson. La Tour Eiffel représente la France de la même manière que Brigitte Bardot, la cathédrale de Gaudi représente l’Espagne comme Julio Iglesias. S’approcher des monuments, c’est leur voler de la célébrité par contagion comme lorsqu’on touche la chemise de Johnny Halliday. Photographier un monument, c’est fabriquer une carte postale. Se photographier devant le monument, c’est pénétrer dans la carte postale, devenir immortel, présenter à ses amis une image oû l’on trône au bras de la Grande Pyramide, avec le sourire de celui qui fait la couverture de Paris-Match. Les touristes se veulent personnages de bande dessinée. Tintin devient intéressant par le lieu qu’il s’attribue : « Tintin aux pays des soviets », « Tintin au Congo », « Tintin en Amérique ». Or, Tintin, en soi, est vide comme un touriste. Le touriste, de vide en vide, devient collectionneur. Ainsi, de trophées en trophées, peut-il se comparer et tenter de se distinguer de son collègue. (...) Il n’y a, en vérité, qu’un monument, qu’une carte postale, qu’un seul touriste, qu’une seule photo. Dommage que ce touriste soit si nombreux. Peut-être est-ce sa manière de devenir monumental ?
– Jérémie Buchholtz : Bordeaux - Nouakchott (Road Movie) (Les grilles du jardin public)
Au coeur du Sahara occidental, une fameuse piste reliait la frontière sud du Maroc à Nouakchott, capitale de la Mauritanie. 470 Kms d’un désert qui ne se traversait qu’accompagné de guides Maures. Mi-2005, une route remplace le sable et change le cours de l’histoire. Le commerce et le tourisme se développent pendant que les nomades se sédentarisent le long de cet axe. L’Afrique peut désormais se traverser, de Tanger jusqu’au Cap, sur des routes goudronnées. J’ai accompagné différents convois allant de Bordeaux à Nouakchott, oû les voitures commencent une nouvelle vie, souvent de taxi. Après avoir traversé l’Espagne et le Maroc, il fallait donc franchir ce dernier tronçon désertique. Ce qui m’a poussé à réaliser ces images, c’est tout d’abord l’envie d’immortaliser la magie de cet itinéraire mais également de suivre ces nomades qui ne le sont plus désormais Photographier cette aventure humaine et ludique aux allures de « road movie ». Ces vieilles voitures, sans cesse réparées par les uns et les autres, ont été nos compagnes de voyages ; elles ont été l’écran à travers lequel j’ai vu défiler le film de ces paysages : des prairies vertes du nord du Maroc à Essaouira, des derniers plis de l’Anti-Atlas aux oueds, des villages champignons au désert de cailloux et de sable, du campement Maure au banc d’Arguin...
– Jacques Camborde : Paysages 130 (Arrêt sur l’image galerie)
– autoroute : pas facile de trouver de la poésie à ce mot
– constat : manière de photographier très importante qui permet de saisir toutes les nuances de la technologie
– voir : regarder et apprendre à être conscient de tout ce qui nous entoure
– autoroute : ruban dur allant d’un point à un autre rapidement
– photographier : une autoroute par la fenêtre pour montrer à quoi ressemble notre vie contemporaine
– prudence : ne pas photographier en conduisant (mais en étant passager )
– vitesse : moyen de macho pour exprimer sa rage imbécile
– intelligence : celui qui sait que aller vite ne sert à rien
– pare-brise : grand morceau de verre industriel protégeant les chauffeurs et passagers des automobiles des mouches et insectes. Permet de bien voir en toute sécurité
– bas-côté : ce qu’on voit sur le coté d’une voiture quand elle roule. Toujours très intéressant car « c’est souvent là que ça se passe !
– Elizerman : Berlin INSTANTKRAFT (Espace Saint Rémi)
L’image d’une ville qui m’a touchée parce que s’y croisent simultanément tous les signes lisibles (tant du point de vue architectural que sociale) des bouleversements de l’histoire. Après avoir sillonné cette ville pendant plusieurs années le goût de noter des fragments de vie au Polaroïd m’a toujours plu, comme autrefois on notait sur un carnet. Le Polaroïd n’a pas de prétention. Pas de pose, pas de délai, immédiatement éternisé et immédiatement éphémère et je n’ai jamais l’impression de faire quelque chose quand je réfléchis. Mon instinct me dit, « si tu n’y penses pas, ce sera bien ». INSTANTKRAFT, cet autre regard décalé sur Berlin.
– John Kiyaya : Tanzanie, Kassanga vers 1970 (Porte2A)
John Kiyaya suit toute sa scolarité chez les missionnaires. Sa rencontre avec l’écrivain Jean Rolin est déterminante dans le choix de sa future carrière. En effet, celui-ci lui offre un appareil de photographie dans le but de lui permettre, grâce à la vente des portraits réalisés,de continuer ses études. John Kiyaya photographie principalement les habitants aux abords du lac Tanganyka, oû il est né. Parallèlement à son activité de photographe, il suit des cours de journalisme à Dar-es-salam.
– Grégory Marchand : Enfance d’Arménie, clichés sociologiques (Espace Saint Rémi)
Photographe autodidacte Grégory Marchand, 23 ans réfléchit et pratique l’image depuis son adolescence. Travaillant sur le long terme pour avoir un vision claire et sensible je met l’accent sur le respect de la personne et de son approche. Mes clichés, je les veux intimes, sensibles mais sans jamais déborder dans un voyeurisme ou une vision simpliste. Des cadrages atypiques sont souvent utilisés au service du sens, de la force des images, je les associe en diptyque ou en triptyque. A l’heure oû les gouvernements européens reconnaissent enfin le génocide Arménien, une vision complexe de la société Arménienne contemporaine fait le lien entre le passé dramatique de ce peuple et son avenir. L’enfance est abordée ici comme un fil conducteur et révélateur de l’évolution sociologique complexe du peuple Arménien. Le travail que vous allez découvrir a été intégralement réalisé en Arménie, au cours de quatre voyages entre juillet et décembre 2005. Toutes les images ont été prises avec un Kiev 88 CM (Moyen format Ukrainien). Aucune image n’as subit de retouche modifiant son sens ou son contenu.
– Denis Olivier : Voyage/temps suspendu (La Base sous-marine)
Les images de Denis Olivier ne montrent pas, elles suggèrent, invitent au voyage, au rêve... on s’immerge dans un univers immobile. Des paysages de dépouillement donnent un étrange sentiment de temps suspendu. Dans des jeux de lumière, d’ombre de formes géométriques, rien ne semble troubler l’apparence du calme et de la sérénité de ces paysages. Dans la lignée des créations de Mickaêl Kenna, de Rolfe Horm, de Bill Schwab, Denis Olivier travaille en noir et blanc et au format carré. Son oeuvre empreinte de subtile délicatesse, prendra toute sa dimension dans l’intimité de la Base sous marine.
– Pia Zanetti : Si l’eau s’épuise, le monde s’écroule (Bibliothèque municipale de Bordeaux)
La mer d’Aral est le nom d’une mer intérieure d’Asie Centrale, alimentée par deux grands fleuves- l’Amon-Daria au sud et le Syr-Daria au nord. Elle est partagée entre le Kazakhstan au nord et l’Ousbékistan au sud. En 1960, la mer d’Aral était encore l’une des plus grandes mers intérieures du Monde, elle couvrait 68 000km2. En 2000, cette superfiçie fut divisée par deux. Trente année de monoculture forcenée du coton, le détournement des deux fleuves aux fins d’irrigation qui alimentait la mer d’Aral ont abouti à un désastre écologique sans précédent. Au Kazakhstan une mer est en train de mourir. Chaque année, la mer d’Aral continue à se rétrécir. Lorsqu’elle sera totalement desséchée, elle laissera place au plus grand désert du monde.
– Images d’Allemagne : 8 positions photographiques (Goethe Institut)
Il y a 15 ans, sept photographes d’Allemagne de l’Est fondaient l’agence OSTKREUZ à Berlin. Dans une situation qui, pour beaucoup, tourna au défi existentiel, Sibylle Bergemann, Harald Hauswald, Ute et Werner Mahler, Jens Rötzsch, Thomas Sandberg et Harf Zimmermann osèrent prendre ensemble un nouveau départ, tentant de concilier prétentions personnelles et prétentions professionnelles. Le chemin choisi était difficile ; il leur permettait néanmoins, en dépit de circonstances défavorables, une certaine autonomie financière et surtout une indépendance thématique. Mais la fin de la RDA n’offrait pas seulement de nouvelles opportunités, de nouvelles possibilités de développement, elle était aussi synonyme d’incertitude et de réorientation, de surcroît pierre de touche des identités individuelles. Avant 1989, les photographies des membres de l’agence OSTKREUZ se distinguaient surtout par leur vision critique de la réalité est-allemande. Après la chute du Mur de Berlin, les points de friction, autrefois hautement sensibles, perdirent leur importance. Un haut niveau d’engagement devenait nécessaire pour reconnaître, dans ce nouveau contexte, ce qui était important ou non, pour s’affirmer dans cette société occidentale encore étrangère. Mais l’engagement fut payant : OSTKREUZ est aujourd’hui une institution bien établie et reconnue.
– Lycée Toulouse Lautrec : Paysages Humain
Cette année, la classe Terminale CAP Photographe du lycée Toulouse- Lautrec de Bordeaux, fait son grand retour dans l’événement « Itinéraires des Photographes Voyageurs ». Un nouveau projet « Paysages Humain » porté par la photographe Eva Sanz et les professeurs de l’équipe pédagogique, a généré de nouveaux regards, une exposition qui risque d’être prometteuse.
Itinéraires des photographes voyageurs, 16ème édition Photographies de Joan Bardeletti, Brigitte Bauer, Alexandra Baures, Laure Bertin, Marc Blanchet, Muriel Bordier, Jérémie Buchholtz, Jacques Camborde, Elizerman, John Kiyaya, Grégory Marchand, Denis Olivier, Pia Zanetti, Images d’Allemagne et le lycée Toulouse Lautrec Du 1er au 29 avril 2007 Ville de Bordeaux