La 40ème édition des Rencontres d’Arles 2009
40 Ans de Rencontres, 40 ans de Ruptures, 60 expositions
Pour célébrer 40 ans de cette fragile aventure, on rêverait de convier tous ceux qui sont généreusement venus
présenter leur travail. Toutefois il n’est pas sûr que l’entreprise nostalgique et glorifiante sied trop aux Rencontres dont l’histoire est faite de créations en cours, de photographes repoussant les limites de l’image fixe, de moments de passage incertains. Cette histoire-là n’a jamais été aussi foisonnante. Il était néanmoins tentant de réunir quelques amis qui ont permis cette aventure ; le programme 2009 repose sur deux catégories.
40 ans de Rencontres réunit les directeurs artistiques qui ont permis à cette formule de s’inventer au fil de l’eau, célèbre le talent de Robert Delpire qui accompagne tant d’artistes dans leur création et a inventé tant d’outils pour la diffuser au public et rend hommage au doyen de nos visiteurs photographes Willy Ronis, qui à 99 ans, proclame son attachement à Arles.
40 ans de ruptures expose des photographes dont le travail a créé le débat lors de leur présentation à Arles en s’éloignant des académismes de leur époque. Au premier rang d’entre eux Duane Michals qui présente une rétrospective et Nan Goldin dont la Ballad of Sexual Dependency a tant marqué les Rencontres et qui a
la gentillesse d’inviter à son tour ses amis photographes. Rupture aussi avec l’exposition Without sanctuary qui montre à travers cette collection tragique du Center for Civic and Human RIghts d’Atlanta, le chemin parcouru avec l’élection de Barack Obama depuis l’époque, pas si lointaine, où les photographes du sud des États-Unis éditaient des cartes postales pour se vanter du lynchage d’hommes et de femmes afro-américains.
Combien sont-ils, ceux qui en 1970, ont cru à cette aventure, quand à l’époque des stages de macramé, de poterie, de méditation, Lucien Clergue importa des États-Unis les stages de photographie. Noyautant le festival généraliste, imprégné des fêtes de la tradition arlésienne, puis forcé de créer une structure autonome, sans lieux ni réel budget, avec l’aide essentielle de Jean-Maurice Rouquette et la caution précieuse de Michel Tournier, Lucien affirme une vision. Il devine le rôle central que prend la photographie et il veut briser la solitude du photographe en créant une communauté d’échanges. Lucien aime la photographie, il aime les arts, mais plus que tout, il aime les artistes.
Cette différence essentielle définit pour toujours pourquoi les Rencontres sont uniques. Dans une époque où souvent les commissaires d’expositions admirent l’oeuvre mais redoutent l’artiste, le mot « rencontres » enrichit celui d’exposition. C’est pour cela aussi que les Rencontres sont une oeuvre collective. Dès le début Lucien est entouré de Paul Geniet, de deux Jean-Claude Lemagny et Gautrand, de Jean Dieuzaide, de Jean-Pierre Sudre, de Denis Brihat, puis très vite de Cornell Capa, d’Antoine et Maryse Cordesse, de Luc Hoffmann, de Roger Thérond, … et les modèles de ses photos quittent la pause pour devenir un temps les vrais artisans du projet. Rapidement épaulés par Bernard Perrine, Agnès de Gouvion Saint-Cyr, Françoise Riss, Serge Gal, Yann Le Goff, Marie-José Justamond qui, comme tant d’autres, font leurs débuts aux Rencontres avant de rejoindre la presse parisienne ou différentes institutions culturelles. L’invitation de grands photographes américains attire à Arles les quelques initiés de la photographie, la force du débat et les stages feront la réputation des Rencontres. L’époque est politique, libertaire et aussi libertine, les stages de Guy le Querrec sont un happening psychologique, ceux de Jean-François Bauret se déroulent nus, comme ceux de Lucien très prisés avec ses infinies combinaisons de trois modèles. Les maîtres de stage étrangers ne reviennent que tard des plages sauvages de Camargue, les vendeurs de la Fnac naissante assurent le soutien technique, très vite rejoints par Ilford alors seul industriel à comprendre l’importance de ce mouvement, avant que Kodak ne trouve à Arles les réponses industrielles à l’évolution des besoins artistiques.
Des combats sont menés pour le maintien de papiers de qualité, pour la création d’une école de haut niveau, l’École Nationale Supérieure de la Photographie créée à Arles en 1983 par la volonté de François Mitterrand. Mais surtout le débat est ouvert. Les anciens et les modernes s’affrontent, à l’Arlatan, à l’Archevêché, dans la cour de l’école, sous un micocoulier centenaire. Le théâtre antique résonne encore de cette époque où l’on siffle autant que l’on applaudit, lance des tomates ou bien brûle des écrans lorsque le public renvoie à leurs études des photographes ou des réalisateurs qui les déçoivent. C’est l’entrée en scène des Christian Caujolle, Hervé Guibert, Claude Nori, Jean-Jacques Naudet, Gilles Mora, Joan Fontcuberta, Philippe Salaun, Gabriel Bauret, Alain Dister et de nombreux autres qui ne dédaignent pas de bousculer affectueusement les fondateurs. Alain Desvergnes arrive du Canada pour donner un début de structure avant de fonder l’école. À une époque ou les institutions s’entrouvrent à une photographie noir et blanc enfin reconnue, Arles amorce un tournant à la fin des années 80, devance le passage à la couleur, au grand format, aux installations photographiques, au vernaculaire.
Puis le Méjan se joint chaque année au programme avec une photographie conceptuelle en plein essor. Les expositions prennent plus d’importance que les stages et les soirées du théâtre antique. Faute de lieux, il faut inventer d’autres modes de monstration. Dès 1986 avec l’Espace Van Gogh et à l’Atelier des Forges avec Olivier Etcheverry. Dans les appartements ou sous les ponts de la ville, photos accrochées mais aussi projetées, colléesau mur, aperçues par un trou de serrure, la convention de l’accrochage calquée sur la peinture et le sacro-saint tirage 30 x 40 volent en éclat.
Le programme des expostions :
Par Christian Caujolle, Jean-Jacques Naudet, Catherine Philippot et Françoise Riss.
Nominés du Prix Découverte proposés par ceux qui ont écrit l’histoire des Rencontres et de l’École Nationale Supérieure de la Photographie :
— * David Armstrong, Marina Berio, Jean-Chrisitian Bourcart, Antoine D’Agata, Jh Engström, Christine Fenzl, Leigh Ledare, Boris Mikhailov, Anders Petersen, Jack Pierson, Lisa Ross, Annelies Strba, Duane Michals, Brian Griffin, Martin Parr, Jaon Fontcuberta, Eugene Richards, Thomas, Florshuetz, Naoya Hatakeyama, Paulo Nozolino, Without Sanctuary.
Quarante ans ? Qu’en penser ? Qu’en panser ? Faudrait-il s’en moquer comme de l’an quarante ou emboucher les trompettes de la renommée ? Est-ce si grave ou si joyeux, la maturité venue ou l’adieu aux jeunes années ? Les quarantièmes seront-ils réjouissants pour le fun ou rugissants pour la crise ? Foin de ces analogies
hasardeuses. La création se construit sur la création. Elle s’invente et renaît à tout moment. Ici dans ce sud-est d’un vieux pays, les trois A, Arles, Avignon, et Aix se réenchantent chaque année pour accueillir professionnels et amateurs, novices et aficionados, promeneurs et amateurs en une fête toujours renouvelée. Devenir jeune ne se fait pas du jour au lendemain, « c’est ce qui m’a pris le plus de temps » déclarait Picasso, l’illustre ami de notre Lucien Clergue. Vivons donc cette juvénilité qu’il fallut acquérir et qui n’est pas un apanage de l’inné. Le futur
passe par la pensée d’un autre monde et par la force des créateurs. Cessons de croire aux pragmatistes qui invoquent sans cesse la réalité et les réformes pour mieux enraciner un ordre du quantitatif. « Dès qu’on commence à trouver les choses naturelles, on cesse d’exister » écrivait Bertolt Brecht. Existons, résistons,
devenons plus jeunes dans un monde plus vieux. Écoutons le bruit du monde et retrouvons la « Famille des Hommes »(...) Par François Barré, président des Rencontres d’Arles.