« Je pense que ce sont les personnages les plus réalistes que j’ai crée. J’éprouve une empathie totale envers elles.
Elles pourraient être moi. C’est ce qui était le plus effrayant, de voir comment il était facile de me transformer ainsi. »
Cindy Sherman
Cindy Sherman a été son propre modèle depuis plus de trente ans. Elle ne se lasse pas de se transformer le visage et d’arborer des expressions faciales infinies. Il est difficile de croire que la même femme constitue l’ensemble de cette exposition.
Et pourtant oui. Cindy Sherman exploite ces distorsions possibles en effectuant un travail d’auteur, de styliste, de photographe...
Aucun détail n’est laissé au hasard. Le décor, le maquillage, les vêtements sont les narrateurs de l’histoire de toutes ces femmes, qui semblent emprisonnées, chacune à sa manière, dans une cage dorée. Celles-ci ont déjà dépassé la fleur de l’âge, mais se trouvent en pleine apogée sociale. Au premier abord, elles semblent invincibles, parées de l’attirail de l’apparence. Mais lorsque l’on s’attarde sur les images, et c’est ici que le lien se fait, on découvre la nostalgie, de désir inassouvi, l’immobilité totale.
Les tâches de vieillesse, les rides, et les habits parfois exubérants, trop colorés, soulignent les imperfections imposées par le temps. Les visages mal liftés, les lèvres siliconées témoignent alors de cet emprisonnement, de cette constance pesante.
Stéréotypes créés par le désir de représentation masculin, ces femmes nous semblent toutes familières. Cependant, on ne pourrait parler de caricature. Le bon mot serait plutôt contrefaçon, tant le travail est subtilement élaboré.
Sherman fait appel à la mémoire collective, et souligne le caractère générique de ses personnages en les laissant anonymes. Entre l’humour et le satirique, ce travail ne peut qu’impliquer les femmes.
par Alexandra Calame