Intéressé par le concept de frontière, Patrick Bard réalise un reportage sur plusieurs années sur la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, publié dans El Norte. Entre 1996 et 2001, il parcourt les états américains de Californie (San Ysidro, Calexico) et d’Arizona (Tucson) ; côté mexicain, il se rend à Tijuana, Ciudad Juarez, Hermosillo, Agua Prieta, Matamoros...
Frontière terrestre de trois mille kilomètres entre deux pays qui se vouent amour et haine, la “zone frontalière” s’étend environ 200 kms au Sud et au Nord de la frontière elle-même.
Les contradictions sont multiples dans cet endroit du monde et sont renforcés depuis les années 1990 : alors que les accords de l’ALENA (« Accords de Libre-Echange Nord-Américain ») permettent une libre circulation des marchandises, l’opération Gatekeeper instaure la création d’un mur frontalier afin de réduire la circulation des hommes.
Les entreprises multinationales profitent du bas prix de la main d’œuvre mexicaine pour aller fabriquer ses produits côté mexicain. Ces maquiladoras, qui se construisent à vitesse grand V, se sont avérées être un véritable lieu de non-droit. Là où les Mexicains pensaient trouver un emploi mieux payé qu’au Sud du pays, ils se sont retrouvés à accepter de travailler sans relâche, pour des salaires de misère, dans des conditions d’exploitation innommables. Ce système concerne majoritairement les femmes qui connaissent humiliation et danger sur leur lieu de travail. Patrick Bard rapporte que certaines multinationales telles Philips, ne souhaitant pas employer de femmes enceintes, exigeaient à l’entrée des employées un examen gynécologique, et, tous les mois, la preuve que ces femmes avaient leurs règles. Pire encore, ces femmes, souvent de très jeunes filles peu qualifiées, se rendent au travail à des heures où les bus ne fonctionnent pas, dans des zones reculées. C’est ainsi que dans l’Etat de Chihuahua, des centaines de femmes sont violées et assassinés dans la ville de Ciudad Juarez de manière inexpliquée. La lutte pour la justice est demandée depuis une quinzaine d’années, sans succès.
Le rêve américain reste pour beaucoup de Mexicains de travailler aux États-Unis où les salaires sont beaucoup plus élevés qu’au Mexique. La frontière, barrière physique entre les deux pays, ne cesse d’être détournées par les passeurs. Les candidats à l’émigration tentent de passer le frontière illégalement, malgré les risques de mort qu’ils encourent. Dans cette zone désertique, les journées sont écrasantes de chaleur, les nuits sont glaciales, et souvent les candidats y meurent de soif.
El Norte contient des photographies toutes très impressionnantes de cette zone à part, où il ne fait pas bon vivre. Patrick Bard révèle toute la noirceur des dessous de la mondialisation, de l’exploitation humaine, de la chasse à l’homme qui rêve d’une vie meilleure.
Pour ses photographies, il utilise un noir et blanc extrêmement contrasté, qu’il accompagne de notes nous donnant le contexte de chaque cliché. Patrick Bard nous livre un document exceptionnel. Il a pu approcher les membres des gangs, reconnaissables à leurs tatouages sur le corps. Il a été à la rencontre de membres de la famille de jeunes filles assassinées à Ciudad Juarez, a assisté aux tentatives de passage de Mexicains de l’autre côté de la frontière.
Drogue, prostitution, violence, misère, Patrick Bard nous plonge dans l’enfer de la frontière. Il ne nous épargne rien, ni les croix- symbole de chaque personne morte à la frontière accrochées à même la tôle ondulée du mur, ni les malformations des enfants nés de parents qui manient des produits toxiques sur leurs lieux de travail, ni les visages ravis de jeunes américains venus faire une virée à Tijuana « tequila sexo marijuana ». par Mélanie Jourdan
Trois mille kilomètres de frontière séparent les États-Unis du Mexique. C’est l’une des plus longues au monde, c’est aussi celle qui est la plus traversée, légalement et illégalement. Côté mexicain, depuis le libre-échange nord-américain instauré en 1994, des milliers d’usines, filiales de multinationales issues de pays industrialisés, se sont installées. Près d’un million de salariés travaillent au quotidien dans ces usines dont les conditions sont celles d’une fin de dix-neuvième siècle : travail des enfants, harcèlement sexuel, droit de cuissage, cadences et horaires insoutenables. Côté américain, pour enrayer l’immigration clandestine, l’administration Clinton a renforcé dès 1993 les patrouilles et la surveillance vidéo, et dressé un mur dans toutes les zones urbaines frontalières avec des planches métalliques utilisées auparavant pour la construction des pistes d’atterrissage durant la guerre du Golfe. Il n’empêche, le rêve américain inspire et attire des milliers de migrants le long de cette ligne de partage. Photographe à l’agence Editing, Patrick Bard a pendant cinq années saisi des moments âpres de ce théâtre porteur de toutes les craintes et de tous les désirs. En 176 images de grand format et en noir et blanc, accentuant ainsi l’effet dramatique, El Norte témoigne d’un cauchemar : des bidonvilles où s’entassent des tribus indiennes, des prostituées soulageant le gringo en goguette, des arrestations nocturnes de migrants, une cellule de rétention, des corps blessés par les machines ou battus par les douaniers, des espaces infimes percés dans les murs d’où l’on perçoit l’étendue aride de la Californie, des visages creusés par le désarroi et la misère. Un reportage social loin de tout exotisme. par Céline Darner
Langue : Français
Éditeur : Marval
Date de Publication : Avril 2002
Type Reliure : Broché
Pages : 160 - 140 photgraphies
ISBN 10 : 2862343420
ISBN 13 : 978-2862343426
Dimensions : 24X30 cm
Poids : 1040 g